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Comédienne productrice, écrivaine, Mylène Demongeot est une artiste au parcours éclectique marqué par des succès populaires, des collaborations avec des réalisateurs et des acteurs reconnus, au cinéma, au théâtre et à la télévision. C’est une personnalité attachante, une femme de coeur et d’engagement, appréciée des professionnels et du grand public. Elle est Commandeur de l’ordre des Arts et Lettres et Chevalier de la Légion d’Honneur.
A l’occasion de la diffusion prochaine sur Canal+ (le 1er décembre 2018) d’un documentaire produit par Dominique Besnehard (Mon Voisin Productions) qui lui est consacré, Mylène Demongeot revient sur sa carrière artistique, évoque son engagement en faveur de la cause animale, et nous parle de son dernier livre.

Le grand public vous a découverte dans le rôle d’Hélène la journaliste dans la trilogie des Fantômas de René Hunebelle aux côtés de Jean Marais et de Louis de Funès. Racontez-nous votre rencontre avec ces deux acteurs aussi talentueux que différents qui font partie du patrimoine cinématographique français.
Jean Marais et Louis de Funès étaient tous deux des êtres humains charmants, cultivés et intelligents. Deux très agréables partenaires de travail. Mais pour moi la différence est celle qu’il y a entre une Star et un Comédien : Jean Marais, par sa grande beauté et sa séduction a été aimé et admiré immédiatement par le grand public dont une majorité de jeunes filles. Il a beaucoup souffert au début de sa carrière de sa voix de fausset qui ne cadrait absolument pas avec son physique de rêve (ce qui n’est pas le cas de Louis de Funès! Personne ne peut dire qu’il avait un physique de rêve!) et comme Jean en était conscient, il a travaillé comme un fou pour y remédier et il a réussi à changer sa voix à force de volonté et d’acharnement. Au départ, c’était un comédien plutôt moyen. En fait, il est une création de Jean Cocteau comme Bardot est une création de Roger Vadim. Et comme Brigitte Bardot et Jean Marais sont deux personnes intelligentes et très douées, elles se sont emparées de ce tremplin et ont réussi à exister par elles-mêmes avec la réussite que nous connaissons!
Louis de Funès était un petit homme avec un physique ingrat qui au début de sa carrière a péniblement vécu, gagnant peu d’argent comme pianiste de bar alors qu’il jouait très bien, enchaînant films sur films pendant des années jusqu’à 6 par an mais travaillant dur, observant l’espèce humaine et créant son personnage petit à petit. Les gens de ma génération ont tous été impressionnés par la comédie musicale Hellzapoppin, puis par Jerry Lewis, Danny Kaye (l’acteur Pierre Richard en reconnaît l’influence sur son personnage). De Funès lui était passionné par les clowns et le mime. De là vient son Art. C’est bien pour cela que les enfants qui voient ses films souvent programmés à la télévision l’adorent encore aujourd’hui. Et les adultes l’aiment aussi pour ce personnage de méchant qu’il a créé en poussant à l’extrême l’obséquiosité d’un côté, la flatterie de l’autre et la manipulation par le pouvoir.
Jean Marais et Louis de Funès sont deux êtres totalement opposés qui avaient peu de choses en commun. Moi je les ai aimé tous les deux avec une préférence pour Louis de Funès que j’ai absolument adoré.

Vous avez tourné en Italie avec d’immenses metteurs en scènes comme Mauro Bolognini et Dino Risi, quels souvenirs en gardez-vous?
Ces deux grands réalisateurs étaient tous deux des êtres drôles, raffinés, extrêmement intelligents, amoureux des acteurs.
Bolognini s’intéressait davantage aux acteurs et Dino Risi aux actrices. J’ai mieux connu Dino Risi que Mauro Bolognini. Seulement deux jours de tournage pour La Notte Brava (les Garçons) contre quatre semaines pour Un amore a Roma.
Mauro Bolognini aimait aussi bien manger. Je lui dois un grandissime souvenir gustatif qui me met encore l’eau à la bouche rien que d’y penser en écrivant… Le risotto aux truffes blanches rapées fraîches, que nous allions déguster dans un restaurant à Roma tout proche de la Piazza di Spagna . Aie Aie Aie! Milvia, quelle merveille… Je n’en ai jamais mangé comme ça depuis!

Votre filmographie est riche de diversité, on vous retrouve dans les comédies populaires « Camping » de Fabien Onteniente aux côtés de Claude Brasseur, avec Daniel Auteuil dans « 36 Quai des Orfèvres » d’Olivier Marchal, avec Catherine Deneuve dans « Elle s’en va » d’Emmanuelle Bercot, mais aussi dans des premiers films, comment choisissez-vous les projets?
Je dois avouer que, pendant longtemps, j’ai laissé les projets arriver vers moi. Maintenant je prends la peine de lire tout ce que l’on m’envoie depuis que j’ai raté, à cause de mon agent, la possibilité de travailler avec un metteur en scène Italien que j’aimais pour son insolence, Marco Ferreri à qui lors d’un dîner j’ai dit : “J’aimerais travailler avec vous” (ce qui m’est rarement arrivé) et qui m’a répondu : “Eh bien, pourquoi m’avez vous refusé La femme à barbe!” Je suis restée sans voix. Après enquête, mon agent m’a avoué qu’elle ne m’avait jamais fait passer le script tellement elle avait été horrifiée par le scénario! Depuis cette histoire, je lis moi-même, ce qu’on m’envoie!

Quelle place a le théâtre dans votre parcours artistique?
Le Théâtre, j’en ai eu très peur au début, alors je me suis lancée dans l’aventure en jouant avec Michel Roux Le canard à l’orange pendant un an. Donc j’ai réussi à l’apprivoiser, et il y a eu d’autres pièces… J’y ai pris du plaisir malgré le fait que cela m’éloigne de ce que j’aime le plus maintenant : la nature, mes arbres, mes animaux, me lever tôt… Et puis ce qui me choque c’est la différence de salaire entre la tête d’affiche et les autres comédiens, d’être extrêmement bien payée alors que les autres comédiens le sont beaucoup moins…
Mais je veux évoquer ici la dernière fois que je suis montée sur les planches, c’était en 2017 pour la pièce Love Letters aux côtés de l’extraordinaire comédien Jean Piat qui nous a quitté en septembre dernier. C’est pour moi l’occasion de dire le plaisir que j’ai ressenti chaque soir à partager la scène avec lui. Notre amitié fût immédiate et ma confiance en lui totale. Je perds un ami et le théâtre l’un de ses plus grands serviteur.

La cause des animaux vous tient particulièrement à coeur, parlez-nous de votre engagement en leur faveur .
Mon rapport avec les animaux? C’est simple. Je sais que je fais partie de l’espèce mammifère au départ tellement faible par rapport aux autres qu’il a bien fallu que cette espèce développe son intelligence pour survivre. Mais l’espèce humaine est aussi cruelle et méchante. Nous avions si peur des animaux que dès que nous en avons eu le pouvoir, nous les avons réduits en esclavage, et nous continuons encore aujourd’hui. Je crois que c’est Gandhi qui a déclaré : “On reconnaît le degré de civilisation d’un peuple à la manière dont il traite ses animaux”. Voilà. Tout est dit.
Je ressens une immense dette vis à vis d’eux. D’un côté nous avons nos chats et nos chiens chéris, dorlotés, gavés, aimés, et de l’autre côté les élevages industriels, les poules en cage, les cochons entravés, la corrida, les abandons… Ces horreurs me remplissent de honte, alors je fais ce que je peux…
Une avancée a été apportée, il était temps, par la loi du 28 janvier 2015, qui reconnait l’animal comme un «Etre vivant doué de sensibilité» dans le Code civil (nouvel article 515-14) et n’est plus considéré seulement comme un bien meuble ou immeuble (article 528). Les consciences bougent. Les changements arrivent petit à petit. Toujours trop lentement à mon goût. C’est comme le droit de vote pour les femmes! Combien d’années avant la victoire!
C’est difficile, c’est lent, ça prend du temps de faire comprendre aux gens qu’ils s’empoisonnent avec trop de viande rouge et des viandes blanches bourrées d’antibiotiques… En dehors du martyre subi par les pauvres bêtes innocentes qui ne demandent qu’à vivre tranquillement et libres! Voilà pourquoi je suis engagée depuis plusieurs années en faveur de la cause animale.

Vous avez écrit de nombreux ouvrages et votre dernier dernier livre a pour titre « La vie, c’est génial » aux éditions de l’Archipel, quels sont les enseignements que vous souhaitez faire partager aux lecteurs?
Je l’ai écrit pour informer tous ceux qui le liront de mes expériences. J’étais amusée par les questions des journalistes : “Mais comment faites-vous? Vous ne faites pas votre âge! j’aimerais être comme vous à votre âge! Quel est votre secret?”
Alors voilà! j’ai raconté la somme de mes expériences à travers ma longue vie traversée comme tout de monde de douleurs et de drames mais aussi de grandes joies. Comme dans la vie, c’est, je l’espère, drôle par moment, grave à d’autres, mais il est vrai que j’ai une possibilité de rebond qui m’étonne moi-même parfois. Je crois que je suis très lucide et que c’est cette lucidité qui me donne mon optimisme et ma force. Nous n’avons qu’une vie alors vivons là en beauté avec sagesse, passion et gourmandise!


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